Droit social
La Lettre de MPS AVOCATS
6 Juin 2016
HARCELEMENT MORAL ET OBLIGATION DE SECURITE
UN REVIREMENT JURISPRUDENTIEL DE PRINCIPE
Jadis une obligation de sécurité de résultat, à présent une obligation légale, le changement de vocable n’est pas anodin : l’imputabilité automatique de l’employeur en matière de harcèlementmoral n’est plus !
La chambre sociale de la Cour de Cassation nous délivre le modus operandi à adopter afin que l’employeur s’exonère de sa responsabilité. Pour cela, l’employeur doit justifier avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser (Cass. soc., 1er juin 2016, n°14-19.702 FS-PBRI). Cette jurisprudence avait été amorcée par un arrêt du 25 novembre 2015 (cf. La lettre de MPS AVOCATS du 8 décembre 2015).
1/ En amont, une politique de prévention de qualité : obligation de moyens renforcée
Une lecture combinée des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail nous renseigne sur les attentes du législateur et du juge afin de répondre à l’obligation légale de sécurité.
L’employeur doit prendre, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs mais aussi les adapter. Ces mesures comprennent nécessairement :
- Des actions de prévention des risques professionnels ;
- Des actions d’information et de formation ;
- La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
A cet effet, ces mesures doivent être mise en œuvre, suivant les des principes généraux de prévention énumérés par la loi afin de :
- Éviter les risques ;
- Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
- Combattre les risques à la source ;
- Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
- Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
- Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
- Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ;
- Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
- Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
L’employeur doit désormais observer très scrupuleusement les prescriptions légales en matière de sécurité puisque la survenance d’un harcèlement moral ne coïncidera plus avec sa responsabilité, s’il a mis en place une prévention de qualité en amont. Cette condition préalable n’est toutefois pas suffisante.
2/ En aval, des mesures immédiates propres à faire cesser le dommage : obligation de résultat
L’employeur doit avoir « pris les mesures immédiates propres à faire cesser » le harcèlement moral. Ici, subsiste le reflet de la traditionnelle obligation de sécurité de résultat, laquelle est désormais attendue exclusivement pour faire cesser le dommage.
Dans cette optique, un réel résultat est attendu : celui de faire cesser le harcèlement moral.
Au-delà du résultat à atteindre, il doit se traduire par des mesures immédiates. Dès lors, l’employeur se devra d’être réactif. A l’instar de la faute grave, l’écoulement du temps quant à la réactivité de l’employeur sera un critère essentiel quant à l’exonération de sa responsabilité en matière de sécurité.
Ce changement jurisprudentiel en matière d’harcèlement moral est évidemment transposable au harcèlement sexuel.
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1068_1er_34378.html