Droit social
La Lettre de MPS
23 nov. 2015
DUREE DU TRAVAIL
FORFAIT
Par un arrêt du 4 novembre 2015, la Cour de cassation a invalidé plusieurs conventions individuelles de forfait hebdomadaire conclues, en application de l’accord Syntec du 22 juin 1999, avec des salariés ne remplissant pas la condition de rémunération minimale posée par les partenaires sociaux (Cass. soc., 4 novembre 2015, n° 14-25.745 FS-PBRI). Au-delà de ce secteur, cet arrêt incitera les employeurs à examiner les conditions d’éligibilité issues de dispositions négociées et à s’y conformer. Encore faut-il néanmoins que de telles stipulations existent. En effet, le recours à une convention de forfait sur une base mensuelle ou hebdomadaire n’est pas subordonné par la loi à l’existence d’un accord collectif le permettant. Cette exigence n’est légalement prévue qu’à l’égard des forfaits conclus sur une base annuelle, en heures ou en jours (C. trav., art. L. 3121-39).
La Cour de cassation ouvre ainsi la voie à de multiples actions en rappel d’heures supplémentaires au profit des ingénieurs et cadres qui ont consenti à cette modalité d’organisation du temps travail, dans la branche Syntec, alors que leur rémunération était inférieure au plafond de la sécurité sociale.
L’application d’une convention individuelle de forfait (en jours ou en heures, sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle) requiert l’accord écrit du salarié (C. trav., art. L. 3121-40), généralement formalisé dans le contrat de travail dès l’embauche. Il faut néanmoins également veiller à remplir les conditions d’éligibilité posées par la convention ou l’accord collectif, sans quoi la convention de forfait ne sera pas valable. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans cet arrêt, qui fait l'objet d'une large diffusion (PBRI), relatif aux conventions de forfait en heures sur une base hebdomadaire, prévues par l’accord de branche Syntec sur la durée du travail, du 22 juin 1999.
1/ Rémunération minimale exigée par l’accord du 22 juin 1999
L’article 3 (chapitre ii) de l’accord de branche étendu du 22 juin 1999 sur la durée du travail dans les bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (annexé à la CCN du 15 décembre 1987), permet de conclure une convention de forfait hebdomadaire d’heures supplémentaires, fixée à 38 heures 30, assortie d’une rémunération forfaitaire au moins égale à 115 % du salaire minimum conventionnel. Cette modalité de gestion du temps de travail (dite « modalité 2 ») s’applique, selon l’accord, aux salariés non concernés par les modalités standards (35 heures) ou les réalisations de missions avec autonomie complète (forfait-jours), étant précisé que « tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ».
Dans l'affaire, soumise à la Cour de cassation, l’employeur avait conclu des conventions de forfait hebdomadaires avec des salariés dont la rémunération était inférieure au plafond de la sécurité sociale. La Cour de cassation tranche ce premier point d’interprétation de l’accord : seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale relèvent de cette modalité de gestion du temps de travail.
Dans cette branche, l’application des conventions de forfait en heures, sur base hebdomadaire (modalité 2), est donc réservée aux salariés dont la rémunération contractuelle atteint le plafond de la sécurité sociale. Le non-respect de cette condition d’éligibilité a pour effet de remettre en cause la validité des conventions individuelles.
Les salariés concernés sont alors recevables à demander le paiement des heures supplémentaires effectuées entre 35 heures et 38 heures 30 (ou au-delà). 12 salariés ont ainsi obtenu gain de cause dans le cadre de ce pourvoi.
2/ Impossibilité de se prévaloir de l’accord individuel du salarié
Pour asseoir la solution, la Cour de cassation précise, dans un second temps, que l’accord donné par le salarié pour l’application d’une convention hebdomadaire de forfait, ne permet pas de s’affranchir de la condition de rémunération minimale posée par les partenaires sociaux. Ceci en raison des règles d’articulation entre l’accord collectif et le contrat de travail.
L’arrêt rappelle ainsi que :
– « le salarié ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective » ;
– « lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention collective, ces clauses s’appliquent au contrat de travail, sauf stipulations plus favorables » (C. trav., art. L. 2254-1).
Dans les entreprises relevant de l’accord Syntec de 1999, si la rémunération contractuelle du salarié est inférieure au plafond de la sécurité sociale, l’employeur ne pourra donc pas se prévaloir de l’accord individuel donné par une clause du contrat de travail, pour appliquer le forfait hebdomadaire et le forfait de salaire qui l’accompagne.